L’axe 1 se concentre sur l’analyse de réseaux commerciaux mondiaux multiplex de différents types. J’explore les relations interentreprises telles que les réseaux acheteurs-fournisseurs, les réseaux d’alliances interentreprises et les réseaux intra-entreprises.

L’objectif principal de ce volet de recherche vise à examiner la façon dont ces réseaux évoluent au fil du temps et à étudier leurs effets sur les stratégie des entreprises, leurs performances économiques et leur innovation.

Jusqu’à tout récemment, les entreprises étaient perçues comme des acteurs atomistes répondant rationnellement aux incitations du marché. Au cours de la dernière décennie, avec les progrès de la théorie institutionnelle et la pénétration des perspectives sociologiques dans la littérature d’affaires, nous avons assisté à un virage vers ce qu’on peut appeler « le côté relationnel des affaires ». Ici, les chercheurs ont commencé à prêter attention aux relations et aux interdépendances entre les entreprises et sur la manière dont celles-ci  affectent leurs stratégies, leurs performances et leurs innovations.

Néanmoins, la majeure partie de cette littérature est conceptuelle, et la recherche empirique a pris du retard. Par conséquent, notre compréhension de la structure et de la dynamique temporelle du réseau mondial composé par les liens entre les entreprises est plutôt limitée. Très peu de recherches existent sur la façon dont les liens entre les entreprises ont évolué à l’échelle locale par rapport à l’échelle trans-locale. Il y a encore moins d’information sur la façon dont la typologie de ces liens (horizontaux et verticaux, intra-entreprises et interentreprises) a changé au fil du temps et sur la façon dont elle affecte la performance et l’innovation des entreprises (Glückler, 2007; Ter Wal et Boschma, 2009). Deux raisons expliquent la persistance de ces lacunes : 1) le manque de données et 2) l’analyse empirique des liens à grande échelle, qui exige une méthodologie de réseau spécifique et une analyse des grands réseaux.

Dans cet axe, le but de la recherche consiste à compiler des données non structurées afin de créer une base de données sur les liens entre-entreprises et à analyser des questions liées au développement et à l’évolution de réseaux entre-entreprises. Par exemple, analyser la façon dont les chocs externes, tels que le récent événement de coronavirus ou la crise financière mondiale, affectent les caractéristiques et la dynamique du réseautage interentreprises et vérifier quelles parties du réseau résistent mieux aux chocs externes, tant sur le plan structurel que géographique. Un autre volet vise à étudier l’influence des liens personnels entre co-inventeurs en utilisant l’analyse globale des brevets et des publications scientifiques. L’obtention de ces informations permet de construire un réseau multiplex mondial composé de plusieurs couches.

L’analyse de tels réseaux multiplex est très importante pour comprendre les interrelations et les contingences entre les niveaux personnels et organisationnels. Par exemple, il est important de comprendre si le fait d’avoir un type d’arrangement augmente la probabilité d’en avoir un autre et comment ce changement affecte la performance et l’innovation de l’entreprise.

Il est également important de comprendre à quels endroits du tissu social mondial se trouvent les principales innovations (mesurées par les citations de brevets) et d’analyser comment les différences dans l’environnement structurel d’un réseau multiplex peuvent expliquer les différences dans les innovations.

De plus, cet axe de recherche explore aussi les différences liées au genre dans ce type de réseaux, étant donné que les différences entre les hommes et les femmes en science, technologie et innovation ont intéressé considérablement les chercheurs au cours des deux dernières décennies. Ceux-ci soutiennent qu’il existe des preuves solides de l’inégalité entre les sexes dans la recherche scientifique, ainsi que dans l’obtention des brevets.

Le deuxième axe explore la façon dont les réseaux mondiaux interentreprises (discutés dans l’axe 1) transforment les emplacements géographiques, les grappes industrielles et la dynamique spatiale des industries. La régionalisation économique conduit à une spécialisation régionale et locale accrue étant donné que la diminution des coûts de transport et des barrières commerciales permet aux entreprises de se regrouper entre elles pour bénéficier d’économies d’échelle locales (Krugman, 1991; Fujita, Krugman, Venables, 2001), qui, à leur tour, devraient augmenter la croissance de la productivité locale (Martin et Sunley, 1998). Le regroupement industriel est reconnu depuis longtemps comme un moteur du développement économique régional et de compétitivité régionale.

De nombreuses études ont exploré le lien entre le regroupement géographique des entreprises et la performance régionale, y compris la création de connaissances et de l’innovation, l’entrepreneuriat et la création d’emplois (Delgado et al., 2010, 2014; Feldman et Audretsch, 1999; Porter, 2003; Porter, 1998; Bresnahan et Gambardella, 2004).

Compte tenu de l’importance du regroupement industriel, différents chercheurs ont tenté d’analyser les facteurs qui influencent la performance des grappes industrielles. Une grande partie de la littérature antérieure mettait plutôt l’accent sur les avantages du regroupement et sur les caractéristiques des grappes telles que leur taille et leur âge. Néanmoins, des études récentes ont fait valoir que les retombées positives qui découlent du regroupement des entreprises ne dépendent pas simplement de la taille et de l’âge d’une grappe, mais plutôt de la configuration des liens entre les entreprises situées dans des grappes industrielles ou, en d’autres termes, de l’intensité avec laquelle les entreprises collaborent dans les limites d’une grappe (Maskell et Lorenzen, 2004).

En outre, les experts ont observé que les entreprises établissent de plus en plus de liens entre elles en dehors des limites géographiques d’une grappe industrielle pour se connecter aux systèmes mondiaux de production et d’innovation.

L’investissement extérieur et la formation de chaînes logistiques verticales avec les fournisseurs situés dans d’autres grappes industrielles contribuent à réduire les coûts des entreprises (Sturgeon et al., 2008), alors que les partenariats horizontaux (par exemple, projets de R et D conjoints) avec des entreprises provenant de d’autres grappes facilitent l’accès à des connaissances qui ne sont pas disponibles au sein même de la grappe industrielle de l’entreprise (Bathelt et al., 2004; Owen-Smith et Powell, 2004). Des travaux théoriques récents ont suggéré que le succès d’une grappe industrielle dépend de la configuration du réseau de ses liens locaux et translocaux (Bathelt et al., 2004; Lorenzen et Mudambi, 2013; Wolfe et Gertler, 2004). Cependant, la plupart de cette littérature est conceptuelle et la recherche empirique a pris du retard.

Cet axe de recherche explore davantage comment les liens entre-entreprises transforment les grappes industrielles. Il examine également les relations et les retombées entre les grappes dans le cadre des industries ainsi que dans de nouvelles industries telles que l’intelligence artificielle et l’industrie verte.

Cette recherche permet ainsi d’identifier les décalages structurels et les opportunités qui existent entre les secteurs; information qui sera très importante pour les décideurs politiques, car, en utilisant cette cartographie des liens et des innovations (mesurées par les brevets), ils seront alors en mesure de prendre des décisions plus éclairées et raffinées.

Le troisième axe se concentre sur les progrès méthodologiques de l’analyse des réseaux sociaux qui peuvent être appliqués à la résolution de problèmes dans la littérature d’affaires. Étant donné que la plupart des nouvelles approches et cadres théoriques des réseaux sociaux existent seulement dans la littérature en physique ou en sociologie, il est primordial que ces approches et cadres théoriques soient développés et adaptés pour qu’ils puissent être utilisés par les chercheurs dans le domaine des affaires.

Cet axe fournit aux chercheurs en affaires de nouveaux outils et instruments pour l’analyse des réseaux sociaux dans leur travail. Cet axe est également important, car il enrichit le premier et le deuxième avec de nouveaux outils méthodologiques.